Benjamin Taïeb
J’ai secoué les balles neuves dans le tube pressurisé que j’ai rapproché de mon oreille pour le plaisir d’écouter leur son mat, puis j’ai bloqué ma raquette à l’horizontale sous le bras, la boîte de balles dans la main gauche, retiré de l’autre main la languette souple en plastique d’une simple pression de mes doigts repliés, sauf le pouce calé à l’arrière ; j’ai guetté le petit bruit d’ouverture façon canette de soda de la languette, en métal cette fois, placée sur le tube, respiré à pleins poumons l’odeur des balles hors de l’air comprimé – un fumet délicat, une fragrance de l’enfance ; je les ai roulées dans mes paumes, fait rebondir sur ce terrain de tennis en béton poreux, aux trous réguliers de quelques millimètres – où se pressaient les fourmis, où s’échouaient les aiguilles de pin chauffées au soleil, à la senteur résineuse et boisée –, ces trous qui donnaient une consonance si particulière aux rebonds. J’ai fermé les yeux, sniffé une balle, palpé une autre que je faisais tournoyer du bout de mes doigts dans la poche de mon short. Une légère brise caressait ma joue, mon front, mes cheveux, dans un faible bruit de papier froissé, tandis que les cigales chantaient jusqu’à cinquante mètres à la ronde. C’était l’été, début août, je dirais. Claire et moi venions de faire l’amour. J’étais bien. Je l’observais : elle était de l’autre côté du filet et ses longues jambes semblaient s’impatienter sous sa jupette blanche et repassée. Elle portait une casquette avec visière qui la protégeait du soleil et laissait ses cheveux respirer, un polo au logo discret et élégant qui moulait ses seins, des lunettes de soleil que j’avais trouvées hors de prix, mais dont je devais reconnaître qu’elles étaient faites pour elle. Elle souriait, elle me souriait.
— Tu joues ?